dimanche, janvier 28, 2007

Liberté d'expression ?

Décidément, cela ne cesse de recommencer : mais qu'elle est lourde la pirouette sans grâce des censeurs.

Les élèves du primaire (deuxième et cinquième année, donc 7 et 10 ans) sont soumis à une évaluation externe non certificative (Ouf, jargon pédagogique, quand tu nous tiens !). Au-delà des aléas de l'exercice en lui-même, un soupçon de polémique est né du côté de certaines directions à propos de deux textes censés inspirer un exercice de rédaction aux bambins ainsi examinés. Entre parenthèses, on ne m'ôtera pas de l'idée que certains de ces pédagogues, à vouloir tout examiner, ont dû faire subir des avanies inqualifiables aux mouchettes de leur petite enfance.

En bref, ces enseignants reprochent au texte de Nicolas Ancion son vocabulaire un peu cru : ils n'ont pas dû entendre les propos de leurs potaches en cour de récré, ne doivent plus s'amuser à la ronde des jurons , ne doivent plus croire en la créativité d'une langue qu'ils voudraient peut-être châtrer de ses inventions , fussent-elles peu conformes à la norme. Pour Bernard Friot, qu'il soit damné jusqu'à la huitième génération, tant qu'à faire ! Il a osé porter l'opprobre contre le corps enseignant en imaginant une maîtresse d'école coiffée intentionnellement d'un pot de fleur. N'est-ce pas inconvenant, ma brave dame, de rappeler la violence scolaire lors d'une épreuve ministérielle ? Et puis, l'actualité s'est emmêlée, au point, je le suppose, que ces mêmes enseignants conscients de leur mission morale ont dû interdire à leurs potaches de regarder ou de lire quelque journal que ce soit : ils auraient pu croire que l'école est sujette à la violence.

Malheureusement, elle ne l'est pas franchement plus que n'importe quelle institution : comment ainsi qualifier les propos d'un édile qui incrimine, tenant ainsi ses pires promesses avec une persistance que l'on n'oserait qualifier d'entêtement, tant il était certain que la bêtise poujadiste lui irait comme un gant ? Comment qualifier aussi cette société qui a peur d'avoir peur, au point de n'oser affronter les phénomènes qui la perturbent, qui identifie la violence comme si elle lui était étrangère alors même que nombre de nos comportements prouvent notre prédisposition aux pires extrémités ?

Comment également qualifier des responsables, pédagogues ou politiques, qui camouflent la réalité au profit de ce qu'ils croient ? J'ai tendance à trouver l'illusion saumâtre lorsque l'illusionniste croit à ses artifices. Je ne suis pas là, en classe ou dans cette société, pour interdire ou pour morigéner, bref pour soustraire à la vue de tous tout en culpabilisant une quelconque attitude. Et puis, j'avoue être exaspéré de ce discours lancinant qui ne cesse d'identifier les sources de la violence du côté de la fiction de crainte d'avoir à en affronter les réalités.

Il aurait fallu interdire George Grosz : il dénonçait les dictatures en peignant leur violence. Il faudrait interdire Ancion et Friot : leur langage, leurs idées sont en deçà de nos violences quotidiennes. Il faudrait interdire la misère et peut-être les Misérables : parce que parfois l'école montre que notre société se mue en prison et crée de redoutables cages intérieures où parfois des individus se perdent.

Rien ne légitimera jamais une agression : sa lâcheté est, selon moi, sans équivoque. Pourtant, je ne peux m'empêcher de penser que ces attitudes d'humiliation, de soumission, de destruction ne relèvent plus d'aimables fictions, si commodes à vilipender, mais bien de notre comportement commun.

Au nom de quel pragmatisme douteux avons-nous abandonné nos utopies ?

dimanche, janvier 21, 2007

Toute la musique que j'aime ?

"De la musique avant toute chose" avait dit un poète qui avait oublié d'être con. "Du bruit, je veux du bruit" se dit vraisemblablement le délégué commercial d'une quelconque grosse maison de production, qui lui n'a pas oublié de l'être en envoyant ses produits comme certains discoboles s'évertuent à se débarrasser au plus vite de leurs disques.

Ronchonnerais-je comme un vieux con ? Bon, grmf, j'assume. J'avoue mon incompréhension et ma perplexité face à la crétinerie de certains de ces ovnis musicaux que des stratèges publicitaires (appelés créatifs s'ils persistent à porter haut leur catogan) s'escriment à nous présenter comme un renouveau de genre, de style, voire comme une sorte de musique totale.

Passons sur les danseuses gymnastes, ce qui me fait d'ailleurs redouter les affres du lumbago au cas où je me prendrais au pied de la lettre et elles contre un mur (toute description de la position susnommée peut se retrouver sur un Kamasutra en ligne) . Passons sur les sonneries de GSM qui retrafiquent le pire des années 80 et invitent à la dégustation virtuelle de grenouilles cinglées : ce doit être encore une séquelle de l'encéphalite spongiforme. Passons encore sur les soubresauts des chanteurs débutants qui apprennent les pas de la bourrée, du tango onaniste et du paso collectif en reprenant les titres de Berck plage dans des harmonies dont un orgue Bontempi n'aurait osé rêver : leur existence me fait regretter de ne pas disposer d'une arme à feu, histoire de le leur allumer au fesses...

Passons aussi sur les chanteurs décatis, jaunis sous le harnais au point de se rêver en petits suisses, ou encore indisposés par des handicaps anatomiques qui leur sont propres et soucieux de faire partager leur culture musicale désuète, leurs préjugés idiots (ce qui est vraisemblablement un pléonasme) et leurs idées en pleine décomposition avancée. Passons et repassons sur les cons : c'est un service à leur rendre.

Je passerai même sur les chansons ringardes qui me font encore sourire, sur les voix sucrées qui me plaisent et me font fondre (ce qui reste une image, si j'en crois mon absence de balance), sur les souvenirs de mon enfance qui tenaient davantage de la daube que du festin mais qui m'echantaient au point que je me surprends encore à les siffler.

Passons encore sur ma passion du jazz, que vous pouvez déceler si vous observez attentivement cette page et l'un ou l'autre de mes liens.

Passons : en bref, je ne faisais que passer.

samedi, janvier 13, 2007

Le plaisir et ses petits tracas ?

Longtemps, je me serai couché de bonne heure : comme si un sommeil largement entretenu permettait de poursuivre des rêveries plus intenses, comme s'il fallait se montrer toujours davantage raisonnable.

A vrai dire, hormis l'intensité du plaisir de la sieste, qui passerait facilement pour une jolie dérobade aux habitudes quotidienne, j'ai fini par me demander si je ne perdais pas mon temps. Ce genre de question frise assez vite la promenade sur un fil tendu entre beaucoup plus que deux infinis et finit bien un jour par sombrer dans l'élégie crispée sur le temps qui passe.

Et puis, le temps est passé : on me vantait la fourmi, je me rêvais cigale. Je me plongeais dans un guide de l'hédonisme en vingt-quatre leçons, une par heure, plongeant mon Corbière au frais. Je goûtais l'air du temps, ou mieux encore ses courants d'air. Je contrais tout ce qui me paraissais utile en me livrant à ce qui me semblait indispensable. Je continuais d'être curieux de toute expérience ; je levais le nez en l'air, ce qui, vu la taille de mon appendice nasal, ne laissais pas de me ralentir dans mes déplacements. En fait, je constituais mon équilibre, pas à pas : enfin, un équilibre mental parce que physiquement j'ai comme une tendance à tanguer. Bref, je m'amusais.

Et en fait, je m'amuse toujours. Je m'amuse toujours du temps que je dérobe à cette fichue faucheuse qui doit bien m'attendre quelque part pour un dernier câlin. Je me moque de tous les compassés, qui s'accrochent à leur rigidité comme si leur patrimoine leur sortait des fesses. Je souris aux sujets sérieux, je ris même lorsqu'ils deviennent plus graves : je n'éprouve de la compassion que parce que je la ressens, pas si l'on me l'impose. Je ne crois toujours pas en la nécessité, en l'utilité, en un monde rationnellement ordonné. J'admire le bordel ambiant, comme si je pouvais le regarder pour en saisir la composition et l'idée : je me prends pour un petit Kandinsky qui plaque sur la toile des nécessités intérieures. Je rêve éveillé.

Certains cherchent leur bonheur dans le pouvoir, dans les honneurs ou dans ce qu'ils nomment réussite. Je continue à rechercher le rire, celui qui me constitue sans jamais m'achever, comme cet idiot qui continuerait à faire des ronds dans l'eau. Je continue à rêver et à m'amuser, même au boulot, même dans le métro, même au dodo.

Je fais le paon, roue en éventail. Je siffle l'air qui me passe par la tête. Je brasse l'air, je roule l'air. Je préfère ne pas quand je ne veux pas. Je n'ai pas d'ambition, pas de frustration, pas de rancoeur.

Je suis libre et heureux.

samedi, janvier 06, 2007

Démolir Nisard

C'est le titre de l'excellent roman d'Eric Chevillard, paru lors de la rentrée passée. J'avoue mon enthousiasme : d'abord intrigué par ce règlement de compte avec un critique mort il y a plus d'un siècle, j'ai été emporté par les accès de rage du narrateur, couplés à la dérision de ses emportements.

Il y a des personnalités qui obsèdent parce que leur médiocrité s'impose sur la place publique. Ces gens, montés en épingle, osent nous affirmer leur conception inhibée de la vie : ainsi Nisard avait arrêté son jugement littéraire à Bossuet et affirmait une sorte de goût du sens commun, de celui qui débute et s'arrête souvent aux bornes de la connerie.

Ah, le bon sens ! Celui qui nous permet de juger en toute sérénité, croyons-nous, appuyés et soutenus par une majorité à qui le silence tient lieu d'intelligence. On penserait revoir la France d'en bas, chère à Raffarin. On penserait à ce plus petit commun dénominateur qui se trahit dans une certaine culture populaire : le culte de l'audience et des parts de marchés, la musique jetable, la littérature de boutiquier.

Evidemment, vous pourriez m'opposer le nombrilisme abscons, la culture artificielle du bobo en peine de métissage mal digéré ou encore l'élitisme forcené des littérateurs obscurs. Certes, c'est également une réalité : parce qu'une contestation qui se prend au sérieux sombre dans ses clichés, parce qu'un artiste qui s'admire n'a plus besoin que de son miroir, parce qu'aimer tout revient à n'aimer rien.

C'est à une philosophie de la complaisance que notre société nous invite, comme si nous devions y sacraliser l'assentiment, comme si le coup de gueule dhier devait susciter notre accord prochain. Même les réactions les plus agressives se récupèrent, quand elles n'expriment pas déjà de nouveaux clichés, véhiculés en masse au gré de réactions puériles. Et nombre de provocateurs ne font que renforcer cette idée du bon sens commun tant leur discours devient confus et inepte, tant le roi est, en fin de compte, nu.

Le plaisir du roman d'Eric Chevillard, c'est celui de l'indépendance de la littérature, celui de l'imagination qui s'enfuit loin des stéréotypes imposés, qui cultive la dérision et l'humour comme arme de distraction massive, qui se nourrit de ce qu'elle conteste mais ne cannibalise pas la bêtise avec la seule facilité de la contestation bon marché.

Le plaisir est une liberté exigeante : nous y choisisssons l'indépendance.

Madness - Our House

Un petit air de ska pour pendre la crémaillère ?
Madness est l'un de ces groupes des années 80 que je n'ai pas encore honte d'avoir écouté. Beaucoup d'autres sont inavouables et leurs 45 tours traînent encore chez moi, faute de platine adéquate.

C'était sûrement commercial mais une musique qui donne le sourire, je ne peux pas m'empêcher de l'apprécier, surtout au moment où l'on nous sert des émotions factices à toutes les sauces.

Et puis, j'ai sans doute trouvé ma petite maison, juste au milieu de la rue.

Les bonnes résolutions



La nouvelle année est à la fois l'époque des hommages et celle des résolutions : comme si faire relever d'un fugitif patrimoine ce que nous avons dédaigné de réaliser l'année précédente nous absolvait de tout ce que nous n'oserons commettre dans les mois prochains.

Les tentations romantiques s'abreuvent de paysages idéaux : le sentiment de solitude y gagne le plaisir de l'isolement et la sensation d'être dépassé éprouve le plaisir délicat de flirter avec les anges, qui, c'est désolant, n'ont pas de sexe. Même l'inquiétude se pare de métaphysique devant ces espaces infinis dont le silence effraie, comme le disait le bon Blaise un jour que sa brouette s'était embourbée au détour d'un sentier.

Nous avions pris l'habitude de rêver face à ce qui nous écrasait, grâce au fugitif instant de possession qui nous permettait de nous acclimater à ce que nous nous contentions de regarder : l'art même recréait des paysages épurés, égocentriques ou inconscients. Admirer nous semblait plus qu'une tendance : une nécessité.

Et puis, le prosaïsme reprend ses droits : comment rêver de l'infini quand le rideau de douche se décroche, quand le doux chant des klaxons ou des réveils en fanfare nous tient lieu de bruissement dans les branches de sassafras ? Comment rêver à hauteur d'homme, ou de femme me dirait le cochon insomniaque que je semble abriter, non mais il n'y a pas de raison que l'érotomane hiberne ? Heureusement.

Enfin, tout ceci pour vous dire, cher lecteur, mon semblable, mon frère (-Et ta soeur ? -Oui, aussi.) que je te souhaite des rêveries à ta mesure, loin de charmes frelatés du calendrier des postes, de la télé-réalité ou des illusions préformatées vendues en solde, des rêveries où tout ce que tu désireras te semblera possible, des rêveries sans aigreur ni frustration.

Bref, je te souhaite une année de rêve.

Prise de risque, prise de responsabilité


¨Plus sérieusement, un brin de réflexion en cette saison où l'herbe prend la triste habitude de se coucher tôt.

L'ambiance que nous nous infligeons, en permanence, nous oblige à slalomer entre angoisse et culpabilité. Notre angoisse est sollicitée par tous ces soucis quotidiens qui nous assaillent et, pire encore, par la peur d'avoir peur. Qui oserait encore établir la liste de ses peurs sans frémir et devoir recourir à un rouleau de PQ grand format, et triple épaisseur puisque c'est plus doux pour les fesses ?

La prohibition rejoint en cela la vieille culpabilité des monothéismes : en gros, puisque tu as le choix, tu es coupable si tu ne suis pas nos injonctions puisque nous, divinité(s), la produisons pour ton bien. Et tout risque devait ainsi s'envisager sous l'angle de la faute, à moins de se borner à un conformisme de bon aloi. Et toute dénonciation ou surcompensation se voyait cataloguée sous l'appelation contrôlée de blasphème ou d'hérésie : même un catarrhe vous envoyait ad patres.

Je me souviens avoir lu, dans une quelconque tribune, l'avis d'un professeur de morale qui affirmait, avec un certain aplomb, que l'interdit est un fondement essentiel de toute société humaine. J'avoue ma perplexité : en fait, ma cigarette en a fait des volutes avec une autonomie qui n'impliquait pourtant pas qu'elle. "Quelque chose avait dû m'échapper", me disais-je en me massant la brûlure qui, c'était manifeste, m'interdisait de me concentrer sur autre chose que sur ma mimine avariée et sur la ronde des jurons qui soulagent toujours dans ce cas-là.

J'avoue ne plus comprendre : aux culpabilités religieuses, qui sacralisent ce qui ne se voit pas mais est partout (- Un peu comme le sucre dans le café ? - Et si tu cessais ces digressions qui t'empêchent d'arriver à bon port ?), voici qu'un nouvel ordre nous impose ses interdits. Vous me direz (osez seulement !) qu'il y a des choses anodines, que de mauvais choix nous nuisent et que l'on gagne une minute de clarté depuis le début de l'hiver qui, sans me vanter, est bien doux pour la saison. Vous répondrais-je que ce n'est pas le sujet ?

Oui, je persiste et signe : j'aime la vie parce qu'elle me pousse à prendre des risques, plus ou moins calculés, parce qu'elle me rappelle que j'exerce ma responsabilité, y compris lorsque mes choix sont contestables, parce qu'elle me permet de me tenir à ceux qui m'entourent et à moi-même des discours dérisoires et polymorphes. J'aime tous ces plaisirs dont je prends conscience sans m'en sentir coupable ; et je n'accepte que les contraintes engendrées par un conflit moral, et pas au nom d'une prétendue mesure de précaution, d'une prohibition quelconque ou d'une préservation de valeurs qui perdent tout intérêt dès lors qu'on les transgresse en prétendant les défendre.

L'interdit est l'expression de celui qui croit avoir raison : à partir du moment où il s'est exprimé, il cesse de penser aux enjeux de ses actes. Il impose des gestes réflexes et amène ceux qui l'entourent à se comporter comme des chiens de Pavlov. L'interdit devient un conditionnement quotidien : plus personne ne se pose la question de savoir si ses actions ou ses paroles sont nécessaires ou peuvent blesser puisque c'est interdit, de toutes façons. En serions-nous arrivés à tel degré d'infantilisation que le catalogue des lois et autres préceptes doivent nous imposer une procédure complète pour chacun de nos actes quotidiens ? Serions-nous parvenus à perdre tout respect de nous-mêmes, toute confiance en nos choix ?

Je préfère laisser les pisse-froids en causer entre eux. En attendant, je pars en toute liberté dans un petit rêve, assis aux côtés d'Ava Gardner et j'applique, entre autres assuétudes qui me permettent de briser le rythme du temps, cette théorie marxiste (de Chico, cette fois) : Faites asseoir un homme une heure à côté d'Ava Gardner, il pensera que ça a duré une minute. Asseyez-le une minute sur un calorifère brûlant, il croira que ça a duré une heure... C'est cela la relativité.

Je pense que cela devrait durer des jours entiers.



Comme je l'avais indiqué précédemment, la casa de maître Ubu reste accessible aussi aux non-fumeurs et à leurs amis. La législation de quelque sinistre fumiste en panne de frustration étriquée n'est pas parvenue à m'ôter l'envie d'accueillir qui je veux où je veux. Et de sourire en technicolor ou en sépia.



Vous ne m'en voudrez pourtant pas de refuser, précautions obligent, les baisers étriqués et les embrassades sèches de ces quelques lippes qui parviennent à faire la moue et la gueule en même temps.



Make'm laugh !

La guerre des mondes : le retour



J'apprécie assez les hommages lorsqu'ils ne saisissent pas le prétexte d'une quelconque date anniversaire pour s'afficher : j'éprouve aussi un certain plaisir, peut-être pervers, à songer qu'une provocation vieille de près de septante ans puisse encore fonctionner.



La RTBF a donc osé poursuivre le spectacle de la politique fiction jusqu'au bout : comme je n'ai pas l'âme journalistique, je ne donnerai pas de leçon de déontologie mais mon goût du canular biche littéralement à la lecture des réactions, bien réelles, que l'émission a suscité dans un monde politique que l'on avait rarement vu si uni...



Où serait l'outrage ? Dans cette fiction, qui s'est présentée brièvement comme une réalité, ou dans les ballets communautaires incessants qui servent de fonds de commerce aux politiciens belges et belgicains, avides de se présenter en hérauts de contes de fée aux yeux d'une population qui cède facilement aux clichés et aux stéréotypes auxquels elle s'attendait ? Depuis longtemps, le politicien belge, lorsqu'il n'est pas en délicatesse avec la justice au gré de la gestion d'une quelconque société de droit public qu'il songeait réservée à son usage privé, tend à user de sa prédisposition au clientélisme : sa proximité, il la revendique électoralement ; son discours, il le formate au gré des illusions à la mode ; ses idéaux, il les a bradés lors des spectacles auxquels il se prête.



Où est-elle, cette indécence du journalisme qui joue la carte de la provocation, puisque les phrases assassines et les effets d'annonce tiennent lieu de gestion politique depuis des années déjà ? A cette nuance près que là où un bandeau vient déciller le spectateur crédule en fin d'émission, les lendemains d'élections transforment l'électeur que l'on voulait séduire en citoyen que l'on persistera à berner : le spectacle électoral est bien cher pour une si triste qualité.



Ainsi, le quatrième pouvoir ne respecterait plus les institutions : c'est le constat courroucé ou larmoyant qu'affichent nombre de commentateurs politiques, et même une partie de la presse. J'oserai, pour ma part, y voir un espoir superbe : malgré les défauts de ce genre d'émission, dont nous ne finirons par retenir que l'effet spectaculaire au détriment de la réalité qu'elle évoque, je perçois le frémissement d'une presse qui conquiert peut-être son indépendance réelle à l'égard du spectacle qu'elle est censée relayer. Et cette attitude me semble beaucoup plus responsable et moins cynique que la énième répétition du même reportage sur une seule agression, qui entretient le réflexe sécuritaire, ou que l'absence de contestation des propos peu certifiés d'un quelconque élu en mal de respectabilité médiatique.



Ainsi, détourner les mensonges ou les illusions médiatiques pour les renvoyer à leur expéditeur, n'est-ce pas là une leçon de journalisme et de citoyenneté active ? C'est en tout cas salutaire à la réflexion de chacun sur ses propres chimères.


Serait-ce un retour ? Allez savoir ! Mais le comptoir du Père Ubu (pas la gazette torchecul, le comptoir virtuel) commençait à me manquer : et puisqu'il devenait paradoxal que je me manque à moi-même...



Me voici interrompu en pleine tournée d'adieux : sans doute mon manager n'aurait-il pas dû emprunter un combi VW pour nos agapes vespérales. Il paraît que le produit n'est plus suivi depuis qu'un gérant de fonds de pension, quelconque forcément, a estimé que la nostalgie soixante-huitarde n'était plus d'actualité. M'enfin : il me semblait pourtant que cette nouvelle guerre de la golf n'était qu'un faible moyen de rappeler les tueurs du Brabant à la rescousse. Surtout qu'avec la prétention de réécrire l'histoire, certains vont finir par les présenter comme des chevaliers de l'Occident en déroute : la crapule admire la crapule.



A propos de dépôt d'ordures pas assez clandestin, Pinochet, le dictateur qui amuse les enfants (comme le rappelait un autre Pierre, ce joli nom ne contient-il pas un hochet de bonne facture ? Le problème, c'est que je ne m'appelle pas Pierre et que je préfère les maracas, ce qui reste mon affaire, vous en conviendrez) a cassé sa pipe : il paraîttrait que Fidel Castro en aurait fait sous lui de contentement et que Chavez aurait consulté son propre cardiologue. Les vieillards de la terreur laissent la place à de jeunes loups : un peu comme si on déménageait la décharge de Mellery au milieu d'une école maternelle.



A propos d'école, justement, un opération Schtroumpfs y serait envisagée : Dewael, notre ministre de l'intérieur, a trop regardé un flic à la maternelle, un peu comme ce syndicat de commissaires de police français (qui vient de se ramasser une gamelle aux élections professionnelles) surnommé le Schtroumpf, justement. Je conseillerais également le rétablissement des bagnes pour enfants, la militarisation des scouts et la transformation des voyages de rhétos en séjour au goulag. Tant qu'à faire, je vais regretter mes vieillards de la terreur des années 80, quand le monde entier craignait qu'une des momies soviétiques ou que le crétin de la Maison Blanche (Reagan, rappelez-vous) appuie sur le fichu bouton.



Au fond, puisque la terre n'arrête pas de tourner, on vit une époque formidable.