samedi, septembre 27, 2008

PH D - I Won't Let You Down

Autrement dit, je ne vous laisse pas tomber, même si vous n'êtes pas une blonde pulpeuse, et je reviens bientôt.

vendredi, septembre 12, 2008

Le travail au corps ?


« Dans la glorification du « travail », dans les infatigables discours sur la « bénédiction du travail », je vois la même arrière pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous :à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, ce qu'on sent aujourd'hui, à la vue du travail – on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir -, qu'un tel travail constitue la meilleure des polices, qu'il tient chacun en bride et s'entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l'indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l'amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société où l'on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême. – Et puis ! épouvante ! Le « travailleur », justement, est devenu dangereux (1) ! Le monde fourmille d' « individus dangereux » ! Et derrière eux, le danger des dangers – l' individuum (2) ! [...] Êtes-vous complices de la folie actuelle des nations qui ne pensent qu'à produire le plus possible et à s'enrichir le plus possible ? Votre tâche serait de leur présenter l'addition négative : quelles énormes sommes de valeur intérieure sont gaspillées pour une fin aussi extérieure ! Mais qu'est devenue votre valeur intérieure si vous ne savez plus ce que c'est que respirer librement ? si vous n'avez même pas un minimum de maîtrise de vous-même ? »

Nietzsche, Aurores (1881), Livre III, § 173 et § 206, trad. J. Hervier, Gallimard, 1970

(1) allusion aux nombreuses grèves qui touchent le monde du travail

(2) du latin : ce qui ne peut être divisé (atome, au sens étymologique, pas physique)


Ce texte est présenté sur le site de l'encyclopédie en ligne Wikipédia : je l'ai trouvé par un heureux hasard lors de recherches pour mon cours de rhétorique. Le professeur de français peut se permettre certaines libertés, selon sa sensiblité personnelle aux mots : il peut ouvrir à l'analyse et à la réflexion des textes indépendants sans avoir à les référer à une nécessité générale. L'histoire, l'économie, les sciences peuvent éveiller à l'esprit critique ; les cours philosophiques le peuvent aussi, si l'enseignant qui les dispense s'aventure vers les ouvertures audacieuses. Mais, me semble-t-il, dans tous les cas, il restera ce garde-fou d'une vérité, fût-elle partielle ou relative.


Tandis qu'un texte, ou même un auteur, isolé de son poids référentiel, ouvre sur un étrange relation entre ses potentialités sémantiques et les aptitudes à la réflexion de son lecteur. Je puis ainsi contredire l'affirmation simplificatrice d'une affinité de Nietzsche pour le nationalisme allemand : ce texte y est irréductible. Je peux me rappeler l'anecdote de Nietzsche embrassant un cheval fouetté par son cocher et retrouver ainsi la cohérence d'une supposée folie. Et puis, surtout, je peux opposer à un discours dominant auto-satisfait une argumentation qui le sape alors même qu'il se constituait, avec le plaisir de renvoyer dos à dos les grands camps issus de cette tradition douteuse, selon moi.

Orienter mon cours vers des compétences abrutissantes, comme le réclament ces pédagogues qui ont inventé l'eau tiède un jour con comme la lune ? En véritable professeur autocrate, je n'y perçois, au mieux, que des stratégies de survie et ma mauvaise foi, trempée dans une obstination qu'écrème mon très mauvais caractère, n'y voit que des dommages : contre la liberté du texte, contre la liberté du lecteur, contre l'individu.

A force d'entretenir des opinions toujours raisonnables et circonstanciées, nous, enseignants, n'osons plus nous aventurer sur le terrain de ces libertés, comme si la pudibonderie pédagogique, simple traduction de la langue de bois des politiques assignée au champ scolaire, nous poussait au malaise face aux textes qui dérangent. L'institution nous charge de relayer un conformisme d'époque : malheureusement pour elle, il reste des emmerdeurs de première (enfin, pour moi, c'est de la quatrième à la rhétorique) qui assument encore la dignité de la charge professorale par sympathie pour les fouteurs de merde.

Socrate, Rabelais, Montaigne, Voltaire, Diderot, Hugo, Baudelaire, Verlaine, Cendrars, Prévert et tous les autres, je vous adresse mes remerciements pour m'avoir appris qu'il existait des pensées alternatives dans notre morne continuité. Et je vous préférerai toujours aux discours pompeux des éditorialistes de pacotille, ces courtisanes qui affectent l'irrévérence ou l'outrage alors même qu'elles entretiennent un discours de circonstance.


dimanche, septembre 07, 2008

Le Vif aurait-il un coup de mou ?

Une collègue m'avait fait part du numéro spécial du Vif belge qui évoquait l'Islam et l'école. Je l'achetai donc et, malgré le titre qui envahissait la couverture, je le lus, je le pense, comme un lecteur qui n'a pas encore été anémié par les discours devrait le faire : partisan dans mes opinions, objectif avec les faits. Sans doute n'est ce pas ce que Le Vif attend de ses lecteurs...

J'ai eu le plaisir, lors de mes pérégrinations sur le ouaibe, de tomber sur un article de l'excellent blog The Mole, où j'ai laissé un commentaire dont je vous livre la substance.

Si je devais en croire Le Vif, je risquerais donc ma peau à chaque heure de cours puisque je suis dans un école en discrimination positive et que j'ai le gros défaut d'y être athée ;-)
Si nous avons, mes collègues et moi, connu des incidents semblables à ceux qui sont relatés dans le dossier, nous n'avons jamais cédé aux pressions de quelques énergumènes extrémistes qui voulaient exercer leur prosélytisme sur les autres élèves et nous nous en sommes occupés comme des enseignants doivent le faire : c'est-à-dire en traitant avec intransigeance le problème pour ce qu'il était, à savoir un problème de comportement, au grand soulagement des autres élèves à l'époque. Dois-je préciser que ces prosélytes de choc étaient une infime minorité, d'ailleurs rejetée par des élèves sans doute tout aussi croyants (il m'est difficile d'en juger puisque cela ne fait pas partie de mes bases d'évaluation) et que nos élèves nous respectent parce que nous respectons les règles que nous affichons dès le départ ? Un incident reste, grâce à cela, un incident. Il est vrai que l'exercice est délicat, en ces temps de communautarisation des discours, mais il est clairement balisé, pour une fois, par le décret sur la neutralité de l'enseignement qui s'applique dans mon réseau.

En bref, mes collègues peuvent sans problème travailler avec leurs élèves sur l'évolution ou sur le Big Bang dans le cadre scientifique requis, je peux travailler avec mes élèves sur les diverses philosophies que peut envisager un cours de français : il y a parfois débat (tant mieux) sur des valeurs mais il n'y a pas obstruction ou pression morale. Même constat pour les réunions de parents...

Par contre, des dérives sont à craindre à nouveau si le sensationnalisme, cet argument de vente de bas étage, crée une image à laquelle certains gosses finiraient par se référer, par bravade ou en désespoir de cause. Il faudrait sans doute aussi agir contre les "sectes" islamistes qui exercent leurs pressions dans certaines familles (un cas récent de mariage forcé l'a encore prouvé) ou contre cette nébuleuse extrémiste qui grenouille ici ou là mais je ne pense pas que stigmatiser un "certain type" de population scolaire en lui attribuant des références que majoritairement elle refuse soit une solution intelligente. Mais sans doute n'ai-je pas les hauteurs de vue d'une rédactrice en chef ?

J'assume bien entendu cet avis et j'en partage bien d'autres sur ce même post, mais je me permettrai d'ajouter une idée bien modeste - les plus chères ayant quitté ma pauvre caboche depuis bien longtemps - : ce n'est pas par altruisme profond que je réagis à ce genre de duperie intellectuelle, c'est également pour moi. C'est la société dans laquelle je m'inscris que l'on configure ainsi, plus ou moins consciemment : et je déteste ce communautarisme que l'on veut me dessiner à tout crin, parce qu'il davantage commerçant de dramatiser la réalité. C'est un peu comme si les conflits, bien réels ceux-là, manquaient à notre appétit, comme s'il fallait nous créer des occasions d'être délicieusement malheureux afin de nous repaître de tout ce qui pourrait nous faire oublier ces malheurs supposés et ce désespoir, cette peur bien réels.

Nous cédons tous à nos phobies, comme si l'aveuglement volontaire excusait toute illusion et comme si nous ne pouvions nous sentir vivre que dans un délicieux catastrophisme monté de toutes pièces, où nous identifierions les bons et les méchants en toute simplicité, au détriment de nos capacités à réellement agir et réfléchir. Nous nous mentons donc.

Je l'ai dit, je suis un vrai pessimiste, ce qui ne m'empêche pas de bouger encore : sans doute pour me distancier de tous ces gens heureux, confits dans leurs certitudes et leurs saintes trouilles, fussent-elles laïques d'ailleurs. Je reste pessimiste parce que je suis certain de n'aboutir à aucune certitude, parce que je sens que je ne vais pas tout comprendre, parce que les questions m'importent davantage que des réponses artificielles. Je suis pessimiste parce que je suis entêté, comme les faits dont je suis témoin ou acteur ; je suis pessimiste parce que je pense que réfléchir reste une nécessité.

Je suis pessimiste parce que j'espère trop souvent me tromper et que cela ne se produit pas assez souvent.


mardi, septembre 02, 2008

Pessimisme

Je suis profondément pessimiste,
ce qui me permet de n'avoir
que de bonnes surprises
et peu de désillusions.