jeudi, janvier 22, 2015

La grande frousse ?

Il n'aura pas fallu longtemps pour que les conneries s'accumulent. La peur voyage comme ces nuages de pluie : elle moutonne avant d'éclater en averses. Et nos chers médias d'agiter les passoires...

La grammaire médiatique se nourrit de la dramatisation : pas tellement le journaliste, sauf s'il bosse dans l'un de ces tabloïds malsains dont la pitance quotidienne s'incarne dans le fait divers sordide, Il reste quelques journalistes qui n'ont pas égaré leur déontologie : observez votre gazette préférée pour constater s'ils ont encore voix au chapitre. La dramatisation, c'est le repas de ceux qui veulent donner absolument leur opinion. Ils sont multitude, tous ces cuistres qui mesurent les événements selon les coudées franches de leurs pensées moites.  

Chroniqueurs de circonstance, politiciens en maraude, experts pointilleux en chimères, spécialistes de la billevesée même pas drôle, présentateurs d'excuses, hommes-troncs, femmes assertives, dévideurs de carabistouilles, lecteurs partisans : je redoute parfois que notre pauvre monde subisse son ultime catastrophe et que notre malheureux descendant, ou quelque extraterrestre  de passage, tombe sur un exemplaire de notre belle presse de cette dernière semaine. Il pensera sans doute que nous avions des moeurs ridicules, à moins qu'il ne s'imagine un sens de l'humour particulièrement développé. 

Le charognard médiatique, hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère (Et ta soeur ?) répercute la peur de proximité. Il craint tout : la pollution, le tabac (Je persiste à fumer), la maladie, la peur de la maladie, les barbus, les foulards, les dessins, les papillotes, les cheveux courts, les cheveux longs, la calvitie, les emmerdes et surtout, la peur. Il craint sa propre peur à tel point que, plutôt que de chercher des solutions ou des responsabilités à un problème, il cherche des coupables. Et la nécessaire solidarité d'une société viable de s'effondrer sous le poids des terreurs diurnes...

 J'avoue que je ne suis pas insensible à ce climat : je redoute surtout nos propres dérives. Je n'aime pas que les militaires soient jugés indispensables dans nos rues, parce que je pense que la police est, au plus, parfois nécessaire. J'ai horreur de voir ces experts, de comptoir, de studio ou d'officine, préconiser de supposés remèdes qui passent, forcément, par une mise en accusation de notre mode de vie et de notre envie irresponsable de liberté. Je crains surtout de voir les adolescents à qui il m'arrive de donner cours se complaire dans ce dolorisme d'époque, dans cette mentalité d'expiation entretenue par des nostalgiques qui enjolivent - comportement commun - leurs souvenirs révisionnistes en une sorte de mélopée traditionnelle, typique du conservateur engoncé. 

Nous pourrions imaginer que la redoutable vague d'autocensure qui sévit dans notre petite contrée cesse enfin. Si nous ne retrouvons pas ce courage en nous, ayons au moins le courage de rendre hommage à toutes les victimes des sinistres criminels qui se revendiquent d'une pompeuse idéologie pour glorifier leurs minables exactions. Pouvons-nous rester confits dans nos peurs quand on massacre au Nigéria, quand on tue en Arménie, quand le viol reste une stratégie de guerre et quand le dommage collatéral relativise, dans nos démocraties, le prix d'une vie lointaine ? 






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