samedi, mars 14, 2015

"Ecole sous diagnostic", où le blogueur a le sentiment que ses cauchemars deviennent réalité...

Le lecteur attentif de ce blog, ou même le dilettante de passage qui serait tombé dessus au hasard d'une recherche sur l'éviscération de chatons, n'aura pas manqué de remarquer que je suis enseignant. En tant que tel, il y a longtemps que j'ai décidé de cesser de geindre pour me positionner en râleur professionnel : mes anciens élèves peuvent en attester, je le pense. Et les attaques contre l'institution scolaire ne me crispent pas a priori : si j'aime mon métier, je me refuse à le sacraliser et les seuls rituels  auxquels je m'astreins quotidiennement se pratiquent devant le percolateur de la salle des profs. 

Mais, parfois, je me demande en quoi notre société et ses institutions sont encore cohérentes. C'est le gros défaut d'une mentalité d'époque qui confond allègrement slogans, punchlines, principes et valeurs dans un salmigondis indigeste digne de la junk food, ce qui me permet de compléter mon quota obligatoire d'anglicismes pour cet article. Nous nous retrouvons ainsi avec la nécessaire redéfinition des cours philosophiques dans le réseau officiel d'enseignement belge suite à un arrêt de La Cour constitutionnelle, en conformité avec la convention des droits de l'homme européenne.

Il y aurait sûrement beaucoup à dire sur la cohérence juridique européenne qui semble davantage percevoir un problème dans la fréquentation obligatoire de cours philosophiques au choix que dans la reconnaissance de la notion de blasphème. De même, l'omniprésence d'un réseau confessionnel puissant dans la sphère scolaire semble être devenue une simple donnée factuelle, même plus un sujet de discussion, tant la notion de marché scolaire est maintenant inhérente à l'école belge : en dérive d'ailleurs le retour de la notion de bassins scolaires qui avait pourtant été rejetée il y a quelques années. Au final, l'action récente d'un couple de parents et l'arrêt de la Cour relèvent-ils réellement de principes de base en matière de libertés ou, beaucoup plus prosaïquement, de consommation de valeurs scolaires ?

Nous savons que l'école est tributaire de la société qui la finance et en engendre les cadres de référence. Il semblerait que, de plus en plus, il y ait une distorsion entre les principes de l'école publique, le système marchand et les attentes des parents. Les premiers doivent-ils être sujets à variation ? Sans doute, si l'on admet que la démocratie y est également sujette puisque l'histoire de l'école publique se confond avec l'histoire récente des régimes démocrates : il est à noter qu'en temps de crise institutionnelle, le monde politique se tourne à nouveau vers l'école, comme si les pesantes contraintes budgétaires affichées par ailleurs cédaient le pas à la doctrine du sanctuaire. L'économie de marché est présente dans l'école depuis l'après-guerre : Pisa, fruit de l'OCDE, vient le rappeler régulièrement. Le postulat est, bien entendu, que l'économie garante de la pérennité des valeurs démocratiques (on ne sait d'ailleurs toujours pas pourquoi ? ) a la primauté sur les institutions démocratiques, lesquelles doivent par conséquent travailler dans sa perspective : un totalitarisme fonctionnel se met en place ainsi, contraignant autant l'usager que l'institution supposée le servir. Enfin, les attentes des parents aboutissent fréquemment à remettre en avant des modes parfois beaucoup plus réactionnaires que la tradition quelque peu poussiéreuse de l'école elle-même.

Sur les principes de l'école, d'autres se sont prononcés : je remarquerai simplement que nous sommes à la recherche d'un parti politique qui s'inquiète de l'enseignement officiel autrement que d'un levier de pouvoir, substrat de la pilarisation de notre modèle belge révolu. Le débat est d'ailleurs passé largement entre les mains d'associations qui n'ont rien en soi de démocratique, tantôt supplétives tantôt lobbyistes (le Segec ?). Sur la marchandisation de l'école, il vous suffit de voir la frénésie du classement, par exemple, ou, si vous êtes un professionnel, d'analyser vos programmes et les réformes en cours avec un rien de sens critique. Là encore, hormis l'APED, dont je suis loin de partager pourtant les vues, il me semble que le débat a été confisqué au profit de la bêtise pédagogique, ce pléonasme qui s'est instauré en doxa.

Je risque de revenir sur l'un de ces sujets prochainement mais faute de temps, je m'attellerai d'abord, actualité oblige, au problème réel posé par l'interaction des parents avec l'école, afin de pouvoir vraiment me fâcher avec tout le monde par étapes.

A suivre !




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